Préparer la transition environnementale des plages en érosion de Provence-Côte d’Azur – Retour d’expériences sur quelques sites tests

Dans le contexte d’une gestion historique en enrochements du littoral, de l’épuisement sédimentaire des fleuves et des côtes et de l’accélération de la montée de la mer avec des conséquences géomorphologiques mal quantifiées, la philosophie de la « protection » côtière par l’ingénierie et les collectivités évolue. En effet, les solutions basées sur la Nature émergent mais elles doivent s’appuyer sur :

  • (1) un bilan objectif des méthodes antérieures (enrochements, renforcement dunaire, rechargement artificiel, laissé faire…),
  • (2) une connaissance approfondie des processus physiques, souvent par le biais d’une analyse des données déjà acquises, et
  • (3) une expertise scientifique pouvant se baser sur une approche empirique et/ou modélisante. Ces approches contribuent à la transition environnementale des plages de Provence-Côte d’Azur.

Les rivages de Provence-Côte d’Azur, qui présentent une diversité de formes littorales et de pratiques de gestion sédimentaires, dans un environnement aux forts enjeux socio-économiques, subissent particulièrement l’érosion et les submersions marines et des solutions basées sur la Nature seraient sans doute adaptées à une gestion durable de l’environnement littoral. Pour ce faire nous proposons une recherche applicable sur la base de 3 thèmes :

  1. Renaturation du littoral par l’abandon d’une digue à la mer (exemple de Véran, en Camargue) ou par le désenrochement (exemple des Vieux Salins, à Hyères) ;
  2. Les brise-lames en géotextiles  immergés pour limiter l’érosion des plages (divers sites analysés, de la plage de La Capte à Hyères, à la plage de la Croisette à Cannes) ;
  3. Le rechargement en galets de plages sableuses (exemples du site de La Fourcade à Sainte-Marie et du Jaï à Marignane).

Ce rapport repose sur des mémoires de recherche d’étudiants du master COAST de l’Université d’Aix Marseille encadrés par des scientifiques de l’Université.

De manière synthétique, ce rapport permet de répondre aux questions suivantes :

Que se passe-t-il lorsqu’on laisse la mer démanteler progressivement une digue qui fixait le rivage et qui interdisait les submersions marines (vers une zone basse) ?
L’effondrement de la digue, par érosion sous-marine à sa base, se traduit par un recul du rivage et des submersions marines durant les tempêtes qui permettent alors des dépôts de sables. Ces accumulations créent de nouvelles plages et/ou une élévation topographique de la zone basse. Ce mécanisme élève la frange littorale et donc permet de compenser la montée de la mer (sans pouvoir quantifier à ce stade l’efficacité de ce processus).

Le désenrochement d’une digue permet-il de limiter le recul du rivage d’une plage située à proximité de l’ouvrage ?
Ce mécanisme n’est efficace qu’à condition que la zone désenrochée soit suffisamment étendue pour s’éroder et fournir suffisamment de sédiments à la plage limitrophe. Si à ce stade ces conclusions restent qualitatives, dans la zone désenrochée et sur la base de la conclusion précédente, on peut s’attendre à ce qu’une plage se (re)crée lorsque la digue est supprimée (mais le recul du rivage reprendra).

Les brise-lames immergés en géotextiles stabilisent-ils la position du rivage ?
La généralisation de l’efficacité de ces structures est délicate tant chaque site est particulier. Dans tous les cas ils permettent de réduire l’intensité de la houle (parfois faiblement) mais leur efficacité grandit lorsqu’ils sont couplés à des phases de rechargements artificiels.

Le rechargement en galets sur une plage sableuse est-il efficace ?
Le rechargement ne stoppe pas le recul du rivage, dans un contexte de dérive littorale importante, le recul du rivage continue et les courants déplacent les galets latéralement (sur plusieurs centaines de mètres). Tout comme le rechargement artificiel en sable, cette pratique demande aussi à être renouvelée et la qualité paysagère du site est fortement modifiée.

Ce rapport montre en particulier que des processus naturels d’accumulations de sédiments sur la plage et/ou dans les zones basses (étangs) liés aux submersions marines se mettent en place durant les tempêtes. Ils permettent de créer ou de renforcer une plage qui élève ainsi naturellement sa topographie initiale. Ce mécanisme, lorsque la plage est suffisamment large pour qu’il se réalise, permet de résister à long terme à l’accélération de la montée de la mer.

Au final, ces exemples soulignent la mobilité naturelle du rivage et les contraintes d’aménagement que l’on s’impose lorsque ceux-ci sont trop proches du rivage. La transition environnementale des plages doit donc passer par l’acceptation du fonctionnement naturel respectant l’espace nécessaire à la plage pour fonctionner.

À long terme, dans une perspective d’accélération de la montée de la mer et de pénurie en sédiments sur les plages, il semble alors raisonnable de ne plus considérer le littoral comme une zone facilement aménageable où les infrastructures rigides peuvent être implantées dans la zone de mobilité naturelle de la plage. Ce rapport à l’aménagement du littoral basé sur un espace de mobilité, rejoint finalement celui compris et accepté dans les années 90 le long des cours d’eau le long desquels on respecte aujourd’hui une zone de mobilité.

 

Pièces jointes

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